Cet article tente de “réconcilier” et unifier les divers systèmes d'accord de la gamme chromatique à douze notes de notre musique occidentale.
Dans les temps anciens, le système Pythagoricien procédait par quintes et octaves, aboutissant à une gamme de douze notes, au prix d'un accord approximatif. Plus précisément, douze quintes successives de rapport 3/2 aboutissent à un rapport de 129,75 alors que sept octaves successives donnent le rapport 128. C'est une propriété remarquable de la gamme à douze notes (ou de subdivisions basées sur des multiples de douze notes – par exemple, 24 ou 36 notes).
L'inconvénient du système Pythagoricien est que les notes éloignées de la référence (par exemple, Do #, Mi b, Sol #, ou La b, quand Do est la référence) sonnent en dehors de l'accord, générant ainsi de nombreux intervalles dissonants. (Un intervalle dissonant comme Do # à La b, ou Sol # à Mi b, est connu sous le nom d'intervalle du loup.)
Alors, afin d'atténuer les dissonances introduites par le système pythagoricien, un certain nombre de musiciens élaborèrent diverses théories d'accords ou tempéraments alternatifs, basés sur divers rapports. Gioseffo Zarlino était l'un de ces théoriciens qui, considérant plusieurs systèmes comme acceptables, était sur la voie de la réconciliation des systèmes d'accord, et du tempérament égal.
Jean-Sébastien Bach était le grand promoteur du tempérament égal, dans lequel les douze intervalles sont strictement égaux (correspondant à la racine douzième de deux), avec l'inconvénient qu'aucun intervalle, sauf l'octave, n'est représenté par un rapport simple.Pourquoi rechercher des rapports simples ? Parce que plus le rapport est simple, plus l'intervalle est consonant. C'est une question de quantité d'harmoniques. Des rapports plus simples génèrent des harmoniques riches, ce qui est littéralement la définition de la consonance. En fait, n'importe quel rapport générerait des harmoniques, mais seuls les rapports simples génèrent des harmoniques dans le champ auditif humain.
Mon objectif est d'utiliser les mathématiques et la physique pour réconcilier les divers systèmes d'accord. En passant, je vais ce faisant définir un système encore différent (et potentiellement beaucoup d'autres !), ce qui ne pose pas de problème tant que les divers systèmes peuvent se réconcilier.
En partant du tempérament égal, et en recherchant des rapports simples, les mathématiques nous offrent la solution des fractions continues, c'est-à-dire de suites de fractions dans lesquelles les quotients fournissent les meilleures approximations des valeurs recherchées, tout en utilisant des valeurs minimales pour les numérateurs et dénominateurs.
Par exemple, considérons une quarte majeure, qui correspond au rapport 2 1/3(puisque l'octave comprend trois quartes majeures), soit environ 1,259921049... En utilisant les fractions continues, la suite des meilleures approximations est 4/3, 5/4, 29/23, 34/27, etc. (Remarque : les fractions continues ont cette propriété que les approximations sont alternativement supérieures et inférieures à la valeur recherchée.)Eh bien, nous voici maintenant confrontés à une myriade de systèmes d'accord, meilleurs les uns que les autres ! Pas de panique. Il est probable qu'aucun musicien ne saurait faire la différence entre 29/23 et 34/27. La raison en est que l'acuité auditive humaine nous empêche normalement de distinguer des intervalles inférieurs au cinquième de demi-ton. (Les théoriciens appellent cet intervalle le comma syntonique.)
En considérant les fractions continues, le meilleur rapport à conserver dans chaque suite est le premier qui présente, entre la valeur recherchée et son approximation, une différence inférieure à notre acuité auditive, c'est-à-dire au standard d'un cinquième de demi-ton.
Il en résulte ces rapports :
Do | Do # | Ré | Ré # | Mi | Fa | Fa # | Sol | Sol # | La | La # | Si | Do |
1 | 17/16 | 9/8 | 6/5 | 5/4 | 4/3 | 7/5 | 3/2 | 8/5 | 5/3 | 9/5 | 15/8 | 2 |
C'est encore un autre système mais, en fait, il diffère peu de celui proposé par Gioseffo Zarlino.
Tout d'abord, notre gamme chromatique à douze notes n'a pas été choisie au hasard. Seules les gammes basées sur douze notes (ou leurs subdivisions) peuvent, avec une certaine approximation, être générés par des quintes et des octaves, ce qui rend notre gamme chromatique si utile pour la transposition et la modulation.
Dès le XVIème siècle, les théoriciens ont considéré comme acceptables plusieurs approximations d'intervalles et de tempéraments. Puis, Bach a promu le tempérament égal, abandonnant ainsi tous les rapports simples – sauf ceux d'octaves.
Ma principale conclusion est que notre système auditif, en acceptant une certaine approximation dans les intervalles, recherche inconsciemment les consonances. Les intervalles consonants plaisent à notre oreille. Il en résulte que, même lorsque notre oreille entend des intervalles quelque peu désaccordés, elle en recherche les harmoniques dans notre champ auditif, et ainsi notre subconscient entend chaque rapport d'intervalle sous la forme d'une fraction la plus simple possible.
Finalement, notre oreille entend ce qui lui plait le plus. ●
Jean-Pierre Vial Septembre 2019 |
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